
Spina bifida ouvert ou myéloméningocèle (MMC)
Le spina bifida est une malformation congénitale fréquente et sévère dont l’incidence est d’environ 1 à 2 cas pour 1000 naissances. Cette malformation embryologique est caractérisée par une non-fermeture du tube neural entre 22 et 28 jours. Il s’agit de la plus fréquente des malformations du système nerveux compatibles avec la vie.
La forme la plus fréquente est la myéloméningocèle (MMC), caractérisée par une ouverture complète du rachis entrainant une exposition du tissu médullaire à l’environnement intra-utérin et en particulier au liquide amniotique. La destruction médullaire dans la MMC est responsable de troubles moteurs pouvant aller jusqu’à une paraplégie et de troubles sphinctériens.
La très grande majorité des MMC est diagnostiquée au deuxième trimestre de la grossesse, vers 22 SA, parfois plus tôt du fait d’un dépistage échographique réalisé au premier trimestre entre 11 et 14 semaines d’aménorrhée (SA) (1). La MMC est le plus souvent associée à une malformation de Chiari, qui comporte de multiples anomalies dont l’engagement cérébelleux, un dysfonctionnement du tronc cérébral et un certain degré d’hydrocéphalie avec des conséquences motrices et cognitives variables. L’hydrocéphalie nécessite fréquemment la mise en place d’une dérivation ventriculo-péritonéale après la naissance, ce qui imposera une surveillance à vie du fait des complications fréquentes associées à ces dispositifs, comme la migration, l’occlusion et l’infection.
Développement d’une chirurgie prénatale
Un essai thérapeutique randomisé (MOMS) récent a clairement démontré le bénéfice d’une chirurgie correctrice prénatale entre 19 et 25+6 SA (7) . Cet essai a comparé la chirurgie postnatale habituelle à une chirurgie prénatale à « utérus ouvert ». Les résultats ont montré une réduction de la morbidité neurologique en termes de réduction de la malformation de Chiari (RR=0.67, IC95%: 0.56-0.81]) et d’hydrocéphalie nécessitant une dérivation ventriculo-péritonéale (RR=0.48, IC95%: 0.36-0.64).
Cependant, cette chirurgie n’est pas dénuée de risques. L’essai MOMS a en particulier montré une augmentation du risque de décollement (46%; RR: 6.15; IC95%: 2.75-13.78) et de rupture prématurée des membranes (26% vs. 0%) mais aussi d’accouchement prématuré < 34 SA (46%; RR: 9.2; IC95%: 3.81-22.19). Les complications maternelles à type d’œdème aigu du poumon (6% vs. 0%), d’hémorragie nécessitant une transfusion maternelle (9%; RR: 7.18; IC95%: 0.90- 57.01). Cette augmentation de la morbidité est liée à la nature même de l’intervention nécessitant une laparotomie sous anesthésie générale profonde et une tocolyse intensive, afin de permettre la réalisation d’une hystérotomie avec ouverture des membranes amniotiques ainsi que des manipulations de l’utérus et la chirurgie du fœtus.
Les essais de chirurgie endoscopique ont pour l’instant été non-concluantes essentiellement du fait d’une technique inadaptée faisant intervenir un grand nombre de trocars (3 ou 4) de grand diamètre (5 mm)

La chirurgie endoscopique : la technique ENDOSPIN
Nous avons développé, en collaboration avec le Baylors college of Medicine (Houston, Texas), une technique reposant sur 2 trocars de 3 mm. Le tableau suivant compare la technique endoscopique aux résultats obtenus dans l’essai MOMS.
Technique chirurgicale
Laparotomie transversale selon Pfannenstiel et exposition de l’utérus. Le fœtus est positionné par manœuvres externes et sous contrôle échographique afin d’exposer la MMC. Un amniodrainage de 200 cc environ sera réalisé à l’aiguille 18G suivi d’une insufflation de CO2 à une pression < 20mmHg. Un trocart de 10 Fr (COOK, Group Inc, Indiana, USA) sera introduit dans la cavité amniotique selon une technique de Seldinger et sous contrôle échographique, permettant l’introduction d’un foetoscope 2mm 0° (Karl Storz, Tuttlingen, Allemagne). Un deuxième trocart 6-10 Fr sera placé sous contrôle de la vue, permettant l’introduction d’instruments Storz pour la réalisation de la chirurgie. La MMC sera ouverte et libérée à son interface avec la peau au laser Diode libérant la placode sur toute la circonférence. La couverture sera réalisée par un premier plan musculaire en suturant les muscles para-vertébraux par un surjet auto-bloquant 4/0 (Covidien V-loc® ou Ethicon Stratfix®), puis les berges cutanées seront suturées par un surjet auto-bloquant 4/0. Si l’affrontement des muscles paravertébraux est impossible, la suture d’un patch dural de collagène (Integra DuraGen®) sera réalisée soit par endoscopie soit après hystérotomie si l’endoscopie s’avère impossible et que cette modalité a été acceptée par la patiente lors de l’information pré-opératoire. Si l’affrontement cutané est impossible, des contre-incisions de décharge seront réalisées à 1-2 mm de la lésion permettant la suture.
Période post-opératoire
Une hospitalisation de 4 jours est prévue après l’intervention. Le retour à domicile sera accompagné d’un repos complet pendant au moins 2 semaines. La surveillance obstétricale sera hebdomadaire avec un examen clinique et une échographie afin d’évaluer la vitalité fœtale, la quantité de liquide amniotique, la longueur cervicale, la couverture de la lésion, la malformation de Chiari, la ventriculomégalie. Une IRM sera réalisée au terme de 28-33 SA.
En cas de rupture prématurée des membranes, suivant les protocoles en vigueur à la maternité Necker-Enfants Malades, la patiente sera hospitalisée dans le secteur de grossesse pathologique et une expectative sera prévue jusqu’à 34 SA en l’absence de complications.
Naissance
Elle pourra être réalisée par césarienne à terme ou même par voie basse, ce qui est un avantage de la chirurgie foetoscopique comparé à la technique «ouverte» : non-seulement cette chirurgie permet d’éviter le risque de rupture utérine au cours de cette grossesse, mais elle préserve l’avenir obstétrical pour les grossesses futures. L’enfant sera pris en charge par l’équipe de Néonatologie de l’hôpital Necker – Enfants Malades puis en fonction de l’état néonatal, hospitalisé dans le secteur de Néonatologie ou de Réanimation néonatale et pédiatrique.
Suivi post-opératoire
Le suivi des enfants opérés in utero sera comparable à celui réalisé pour les enfants porteurs de MMC réparée à la naissance par l’équipe de neurochirurgie. Ce suivi sera assuré par une équipe pluridisciplinaire de neurochirugiens et neuropédiatres.
- A la naissance (J1), un examen clinique de la lésion sera réalisé pour juger d’une indication de chirurgie post-natale. Une imagerie par échographie transfontanellaire permettra de juger d’une hydrocéphalie ou d’une malformation de Chiari.
- Suivi pédiatrique : Tous les enfants seront évalués à 1 mois, 6 mois et 12 mois avec un examen clinique et neurologique ainsi que les tests neuro-développementaux habituels dans cette pathologie. A 1 mois et à 1 an, une IRM sera réalisée afin d’évaluer la moelle épinière et le développement cérébral. Dans le cadre de cette étude, le suivi se termine à 30 mois par un examen clinique et neurologique ainsi que des tests neuro-psychologiques adaptés : test de Brunet-Lézine et WPPSI-III.
Le suivi pédiatrique réalisé dans le cadre de cette étude ne diffère pas du suivi pédiatrique habituel des enfants pris en charge pour une MMC à l’hôpital Necker
Evaluation de l’efficacité et de la tolérance
Critère de jugement principal
- Succès chirurgical défini par :
- Dissection de la placode
- Couverture cutanée ou par patch
- Par voie purement endoscopique à 2 trocarts
- Nécessité d’une intervention néonatale
- Disparition de la malformation de Chiari
- Nécessité d’une dérivation ventriculo-péritonéale < 6 mois
- Le niveau fonctionnel de la lésion et le bénéfice locomoteur
- Morbidités maternelle et fœtale : i) mort fœtale ; ii) rupture prématurée des membranes ; iii) prématurité ; iv) chorio-amniotite ; v) complications hémorragiques périopératoire ; vi) autres événements indésirables graves.
Critères de jugement secondaires
Statut neuro-développemental à 30 mois :
- Examen clinique neurologique
- Test de Brunet-Lézine
- Echelle d’intelligence de Wechsler (WPPSI III)